Consuelo ii by George Sand

Consuelo ii by George Sand

Auteur:George Sand [Sand, George]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


LIX

Consuelo fut vivement attendrie d’une démonstration qui la réhabilitait à ses propres yeux et tranquillisait sa conscience. Jusqu’à ce moment, elle avait eu souvent la crainte de s’être imprudemment livrée à sa générosité et à son courage ; maintenant elle en recevait la sanction et la récompense. Ses larmes de joie se mêlèrent à celles du vieillard, et ils restèrent longtemps trop émus l’un et l’autre pour continuer la conversation.

Cependant Consuelo ne comprenait pas encore la proposition qui lui était faite, et le comte, croyant s’être assez expliqué, regardait son silence et ses pleurs comme des signes d’adhésion et de reconnaissance.

« Je vais, lui dit-il enfin, amener mon fils à vos pieds, afin qu’il joigne ses bénédictions aux miennes en apprenant l’étendue de son bonheur.

– Arrêtez, monseigneur ! dit Consuelo tout interdite de cette précipitation. Je ne comprends pas ce que vous exigez de moi. Vous approuvez l’affection que le comte Albert m’a témoignée et le dévouement que j’ai eu pour lui. Vous m’accordez votre confiance, vous savez que je ne la trahirai pas ; mais comment puis-je m’engager à consacrer toute ma vie à une amitié d’une nature si délicate ? Je vois bien que vous comptez sur le temps et sur ma raison pour maintenir la santé morale de votre noble fils, et pour calmer la vivacité de son attachement pour moi. Mais j’ignore si j’aurai longtemps cette puissance ; et d’ailleurs, quand même ce ne serait pas une intimité dangereuse pour un homme aussi exalté, je ne suis pas libre de consacrer mes jours à cette tâche glorieuse. Je ne m’appartiens pas !

– Ô ciel ! que dites-vous, Consuelo ? Vous ne m’avez donc pas compris ? Ou vous m’avez trompé en me disant que vous étiez libre, que vous n’aviez ni attachement de cœur, ni engagement, ni famille ?

– Mais, monseigneur, reprit Consuelo stupéfaite, j’ai un but, une vocation, un état. J’appartiens à l’art auquel je me suis consacrée dès mon enfance.

– Que dites-vous, grand Dieu ! Vous voulez retourner au théâtre ?

– Cela, je l’ignore, et j’ai dit la vérité en affirmant que mon désir ne m’y portait pas. Je n’ai encore éprouvé que d’horribles souffrances dans cette carrière orageuse ; mais je sens pourtant que je serais téméraire si je m’engageais à y renoncer. Ç’a été ma destinée, et peut-être ne peut-on pas se soustraire à l’avenir qu’on s’est tracé. Que je remonte sur les planches, ou que je donne des leçons et des concerts, je suis, je dois être cantatrice. À quoi serais-je bonne, d’ailleurs ? où trouverais-je de l’indépendance ? à quoi occuperais-je mon esprit rompu au travail, et avide de ce genre d’émotion ?

– Ô Consuelo, Consuelo ! s’écria le comte Christian avec douleur, tout ce que vous dites là est vrai ! Mais je pensais que vous aimiez mon fils, et je vois maintenant que vous ne l’aimez pas !

– Et si je venais à l’aimer avec la passion qu’il faudrait avoir pour renoncer à moi-même, que diriez-vous, monseigneur ? s’écria à son tour Consuelo impatientée.



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